Cette matinée était comme les centaines qui l’avaient précédée : claire, un peu précipitée, avec une odeur de café et de pain frais provenant de la boulangerie d’en face.
Le soleil filtrait à travers les stores, dessinant de fines rayures dorées sur les murs. Je me préparais à aller travailler, buvant comme d’habitude une gorgée de café froid, quand soudain, le bus est parti juste sous mon nez.
J’étais en retard.
De cinq minutes.
De cinq petites minutes.
J’étais en colère contre moi-même, contre tout : contre l’horloge, contre les embouteillages, contre le fait de ne pas être partie un peu plus tôt.
Je me tenais à l’arrêt de bus, un dossier à la main, et je sentais une goutte de sueur couler sur ma joue, peut-être à cause de la chaleur, peut-être à cause de mon irritation.
Une femme avec un chien est passée, dégageant une odeur de jasmin et de poussière.
J’ai levé la tête, le soleil m’éblouissait, et soudain, tout autour de moi semblait avoir ralenti.
Comme si la journée elle-même voulait me dire : « Reste ».
Au bout de quelques minutes, j’ai entendu le bruit des sirènes.
D’abord loin, puis de plus en plus près.
Les gens ont commencé à se retourner, certains se sont mis à courir.
Je n’ai pas tout de suite compris ce qui se passait, jusqu’à ce que je voie de la fumée au-dessus de la route où mon bus devait passer.
Il était entré en collision avec un camion dans un virage.
Plusieurs voitures étaient bloquées en travers de la route, quelqu’un criait, et je restais là, à l’arrêt de bus, les mains glacées et avec l’étrange sensation que le temps s’était arrêté.
Je tremblais.
Pas de peur, mais de prise de conscience. De la fragilité de la vie.
Comme parfois le destin vous prend doucement par la manche, vous obligeant à ralentir, à rester, à respirer.
Ce soir-là, je rentrais lentement chez moi, remarquant pour la première fois depuis longtemps l’odeur de l’air, la douceur du coucher de soleil, les rires des enfants dans la cour.
Chaque petit détail est soudain devenu précieux, comme le souffle.
Depuis, je ne m’énerve plus quand je suis en retard.
Car je sais que parfois, c’est simplement la façon dont la vie me dit :
« Attends. Ce n’est pas encore le moment. »

