Au début, il marchait juste pour marcher. Daniel n’appelait pas ça du sport — il détestait le sport. Il marchait parce qu’il ne supportait plus de rester à la maison, où tout lui rappelait quelqu’un. Dans la cuisine — deux tasses, dans l’armoire — une assiette de trop. Sur le rebord de la fenêtre, la plante qu’il avait promis de “rempoter plus tard”.
Il n’était pas “joyeusement” gros. Juste lourd. Un corps où chaque mouvement était un effort, chaque respiration — une conversation avec soi-même.
— Va jusqu’au virage, — se disait-il. — Et ce sera bon.
Mais arrivé au virage, il continuait toujours un peu plus loin.
Les voisins le voyaient le matin : un grand homme avec un sac à dos, des écouteurs, toujours seul. Ils pensaient qu’il essayait de perdre du poids. Mais en réalité, il essayait de perdre ses souvenirs.
Dans les montagnes, le silence n’est pas comme à la maison. Là, il n’écrase pas — il écoute. Il apprenait à monter sans colère, à compter les pas, à s’arrêter et regarder en bas. Parfois, il murmurait :
— Je peux encore le faire.
Sans savoir à qui il s’adressait — à lui-même ou à elle.
Un jour, vers l’automne, il monta plus haut que jamais. L’air était rare, le ciel d’un bleu lavé. Et soudain, parmi les pierres, il vit un foulard noué à une branche. Petit, bleu, à pois blancs. Exactement le même qu’elle portait quand ils étaient venus ici ensemble. Un an plus tôt.
Il s’agenouilla. D’abord, il pensa à une coïncidence. Puis il vit des lettres écrites au feutre, presque effacées : « Si tu montes encore — je le savais. »
Il resta longtemps assis, jusqu’à ce que le soleil disparaisse derrière la crête. Puis il dit doucement :
— Eh bien, je suis monté.
Et pour la première fois depuis longtemps, il ne pleura pas.
Quand il redescendit au village, les gens le trouvèrent changé. Il marchait plus léger. Le même sac, les mêmes vêtements — mais comme s’il avait laissé la moitié de son fardeau là-haut.
À ceux qui demandaient : “Pourquoi tu continues d’y aller ?” il répondait avec un sourire :
— Parce que quelqu’un m’attend là-haut.

