La voisine a encore appelé la police.
Elle disait — ça crie.
Et c’était vrai.
Mais pas de douleur, pas de peur — de respiration.
De cette respiration qui s’éveille quelque part au fond, là où vivaient la peur, la mémoire, la tension.
La pièce sent la lavande et la cire brûlée.
Le vieux tapis colle à la peau, l’air est dense, comme si tout s’y était dissous — le soir, les inquiétudes d’hier, et moi-même.
Dehors, le bruit des pneus, un chien qui aboie au loin.
Je me tiens en posture du guerrier, entre le monde et moi.
L’inspiration — une explosion.
L’expiration — et le corps se cambre, comme s’il se libérait de liens invisibles.
Un son s’échappe de ma poitrine, sauvage, vrai, humain.
C’est sans doute ainsi qu’on crie quand on commence enfin à vivre.
La sonnerie à la porte tranche l’espace comme un couteau sur du verre.
Je reste immobile, je respire.
Puis — des pas, des voix, le cliquetis d’une serrure.
Deux jeunes policiers dans l’entrée — hésitants, polis plus que sévères.
L’un regarde autour de lui, voit les bougies, le tapis, la lumière tiède.
L’autre demande, un peu gêné :
— On nous a appelés. Les voisins disent… que vous criiez ?
Je souris. Ma voix est encore rauque de respiration.
— Je respirais, dis-je. Parfois, c’est la même chose.
Ils se taisent, ne sachant que noter dans leur rapport.
Derrière la porte, la voisine murmure, roule les mots comme des cailloux.
Elle doit avoir peur — comment peut-on crier sans raison ?
Les policiers s’en vont, laissant derrière eux l’odeur de la rue et une légère gêne.
Le silence remplit de nouveau la pièce.
Je m’allonge sur le tapis, j’écoute mon cœur battre — comme une musique vivante à l’intérieur.
La ville bruisse, respire, vit sa vie.
Et moi, allongée sur le sol, je comprends — la voisine ne s’est pas trompée.
Oui, on criait.
Mais ce n’était pas un cri de détresse.
C’était un cri de retour.
Le yoga, simplement.
Un cri dans lequel, pour la première fois, je suis devenue moi-même.

